Article paru dans Libération le 01 Février 2012
C’est un arrêt qui risque de faire beaucoup de bruit à Bercy et parmi les « évadés fiscaux ». Selon cette décision, que révèle Libération, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a estimé mardi 31 janvier que les fichiers HSBC, mieux connus sous le nom de la « liste des 3 000 évadés fiscaux », ne pouvaient être utilisés comme preuves par les enquêteurs en cas de perquisitions fiscales. Cet arrêt confirme une ordonnance du 8 février 2011 de la cour d’appel de Paris.
Il donne ainsi raison contre Bercy à l’un des évadés fiscaux de cette liste, qui avait subi une perquisition en juin 2010 dans le cadre de son contrôle fiscal et qui mène depuis la bataille avec ses deux avocats.
Motif évoqué par la Cour de cassation pour faire annuler cette perquisition : les fichiers, répertoriant 3000 personnes ayant des comptes cachés en Suisse, ont été volés. Ce sont donc des preuves illicites.
Pour mémoire, cette fameuse liste brandie par Eric Woerth en 2009 avait été dérobée en 2007 par Hervé Falciani, un cadre informaticien de la HSBC Private Bank à Genève. Ce dernier avait piraté les bases de données de la banque. Il avait ensuite remis ces fichiers aux autorités fiscales françaises, en passant par le procureur de Nice Eric de Montgolfier.
Cette procédure aurait du permettre aux fichiers de devenir « légaux » . Problème : dans une annexe, la Cour de cassation rapelle que la « DNEF (Direction nationale d’enquêtes fiscales) était en possession de cette liste et l’a exploitée bien avant sa transmission officielle par l’autorité judiciaire ».Elle a donc utilisé des fichiers dérobés qui n’avaient pas été blanchis par le procureur. « Il s’agit de données volées», poursuit l’arrêt. (…) « L’origine de ces pièces est donc illicites.»
« Nous sommes très satisfaits de cet arrêt dans la mesure où il confirme notre analyse sur l’irrecevabilité d’une preuve illicite fournie par l’administration fiscale», se félicitent, auprès de Libération, Me Alain Marsaudon et Me Delphine Ravon, les deux avocats de « l’évadé fiscal» qui tient à rester anonyme. «Mais c’est une victoire pour la gloire et pour le principe, reconnaissent-ils. Notre client avait procédé à la régularisation de son compte HSBC en Suisse.»
Cet arrêt pourrait cependant avoir des conséquences pour ceux qui, parmi les 3000, n’ont pas encore transigé. Au 24 novembre dernier, d’après une note du ministère du Budget, seuls 800 contrôles avaient été engagés et 350 achevé, permettant au fisc de recouvrer 160 millions d’euros.
Certains évadés fiscaux se sont également présentés d’eux mêmes pour régulariser leurs situations. Mais si les avocats des « fraudeurs» qui ne sont pas encore sortis du bois décident de s’en saisir, cet arrêt pourrait leur permettre de faire annuler toutes les perquisitions fiscales menées à partir des fichiers HSBC.
«Cela ne fait pas tomber automatiquement le contrôle fiscal, mais cela affaiblit au moins les moyens de preuves de l’administration », note un avocat fiscaliste.
Cet arrêt pourrait également être utilisé devant un tribunal administratif pour faire tomber un contrôle fiscal qui a déjà eu lieu. «A partir du moment où un juge a décidé que les fichiers HSBC étaient des preuves illicites pour une perquisition fiscale, rien n’empêche d’autres magistrats de considérer que ces preuves n’ont pas plus de valeur pour un contrôle fiscal !» remarque un avocat.
Contacté hier soir, le cabinet de la ministre du Budget Valérie Pecresse n’a pas donné suite à notre appel.
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